A la lecture des registres de catholicité d’Ambleny (Aisne) de la seconde moitié du XVIIè siècle, on trouve plusieurs mentions d’une famille De La Personne, qui s’était établie au hameau des Fosses. Louis de la Personne, époux de Madeleine Moutonnet, baptise notamment à Ambleny ses trois enfants Louis Joseph (16 novembre 1661), Charlotte (15 avril 1664) et Jeanne (9 juillet 1668). Un quatrième enfant, François-Hannibal, est baptisé le 21 mars 1666 mais la cérémonie a lieu à Coeuvres : en effet, les parrain et marraines sont le Duc et la Duchesse d’Estrées !
Il existe plusieurs familles De La Personne dont les généalogies sont bien établies. Dans le Valois, une famille De La Personne a possédé la vicomté d’Acy, près de Soissons, comme le mentionne Claude Carlier dans son « Histoire du Duché de Valois ». Une autre famille de la Personne était issue des seigneurs de Verloing, dans le Pas-de-Calais. Aucune des généalogies de ces familles ne mentionne ce Louis de la Personne d’Ambleny: quelle est son origine familiale ?
Louis de la Personne, sieur des Fosses, seigneur en partie de Montigny et Russy
Le curé d’Ambleny donne à Louis de la Personne la qualité d’écuyer, et de « seigneur en partie de Montigny et Russy », en précisant que ces lieux sont proches de Crépy-en-Valois. Russy correspond à ce qui est aujourd’hui Russy-Bémont. Montigny correspond à l’ancien village de Montigny-le-Sec, abandonné dans le courant du XVIIIè siècle, dont dépendait Russy. Louis de la Personne est aussi qualifié de « sieur des Fosses », sans qu’il s’agisse d’un quelconque titre féodal. Habitant au hameau des Fosses, il prenait ce titre, comme le faisait auparavant son beau-père Hector Moutonnet, « hommes d’armes pour le service de sa majesté », qui souhaitait se différencier ainsi de son homonyme Hector Moutonnet, qui était le notaire d’Ambleny à la même époque.
Lors de la recherche de la noblesse par l’intendant Dorieux, Louis de la Personne avait d’abord été condamné, faute de pouvoir prouver ses titres. Il avait fait appel au Conseil d’Etat et le résultat lui fut sans doute favorable car à sa mort à Ambleny le 7 février 1705, à l’âge de 75 ans, le curé d’Ambleny lui donne toujours la qualité d’écuyer. Nous verrons dans la suite de ce billet qu’à l’heure actuelle nous sommes incapables de réunir des preuves formelles de noblesse de Louis de la Personne.
François Annibal de la Personne, fils de Louis, dont la descendance a été étudiée par de nombreux généalogistes, déclare à d’Hozier les armoiries suivantes: « De sinople à la bande d’argent chargée de trois merlettes de gueules, écartelées d’or au lion de gueules ». Bien qu’il faille être prudent dans l’interprétation des armoiries déclarées à d’Hozier, on notera qu’elles ne sont pas sans rappeler celles de la famille De la Personne de Verloing, qui portaient « De sinople à la bande d’argent », avec quelques variations selon les branches. En revanche, elles n’ont rien à voir avec les de la Personne d’Acy, qui portait selon le nobiliaire du Soissonnais (AD02, 8° 1485) : « De gueules à trois pattes de griffon d’or, les griffes en haut ».
Louis de la Personne n’était pas originaire d’Ambleny et la lecture des actes le concernant ne donne aucune indication sur sa famille, hormis le fait qu’il possédait en partie les seigneuries de Russy et Montigny. En revanche, les registres de catholicité font apparaître dans la première moitié du XVIIè siècle une certaine Madeleine de la Personne, marié à l’écuyer Philippe de Homblières, dont elle eu plusieurs enfants, baptisés à Ambleny entre 1628 et 1644. A la lecture du nom des parrains et marraines de ces enfants, on identifie plusieurs autres membres de la famille De La Personne : « Monsieur de la Personne », frère de Madeleine, dont la femme Marguerite est citée en 1633; Charlotte de la Personne, nièce de Madeleine, fille d’un « Monsieur de la Personne » dont on sait pas si il s’agit du même que le précédent ; et enfin Robert de la Personne, neveu de Madeleine, cité en 1644.
On peut aussi noter que lorsque Hector Moutonnet et « damoiselle » Louise Bouriau font baptiser à Ambleny le 7 novembre 1627 leur fille Madeleine, qui épousera ensuite Louis de la Personne, ils choisissent comme marraine Madeleine de la Personne, femme de Philippe de Homblières. Madeleine Moutonnet, dont le nom de famille est régulièrement surchargé dans le registre d’Ambleny, comme si quelqu’un avait voulu supprimer toute trace de ses origines roturières pour la faire passer pour une « de Montanet », était issue d’une famille aisée d’Ambleny, qui avait compté en son sein plusieurs notaires.
La lecture des registres paroissiaux d’Ambleny nous donne donc une généalogie de la Personne, comme suit :
N. de la Personne d’où :
- Madeleine de la Personne, épousa Philippe de Homblières, écuyer, avant 1624
- « Monsieur de la Personne », épousa Marguerite N., cité à Ambleny en 1633 (frère de Madeleine)
- « Monsieur de la Personne, peut être le même que les précédents, d’où :
- Charlotte de la Personne, citée à Ambleny en 1635
- N. de la Personne, peut-être le même que les précédents, d’où :
- Robert de la Personne, cité à Ambleny en 1644 (neveu de Madeleine)
Non relié :
- Louis de la Personne, écuyer, sieur des Fosses, seigneur de Montigny et Russy en partie, épousa Madeleine Moutonnet avant 1661
Robert de la Personne, seigneur de Saint-Maur
Un contrat de mariage trouvé dans le minutier des notaires de Pierrefonds donne le lien entre Louis de la Personne, d’Ambleny, et ce Robert de la Personne cité en 1644 comme neveu de Madeleine de la Personne. Le 5 juillet 1670 comparaissent devant le notaire de Pierrefonds Jean-Daniel de la Personne, écuyer demeurant à Taillefontaine, et Elisabeth Lhermitte, pour rédiger leur contrat de mariage. Jean-Daniel est fils de défunt Robert de la Personne, écuyer, « seigneur de Saint Mor », et de damoiselle Anne de Callois. Et Louis de la Personne, écuyer demeurant à Ambleny, seigneur en partie de Montigny et Russy comparaît comme témoin : le notaire précise qu’il s’agit de l’oncle de Jean-Daniel de la Personne.
Cette précision permet de rattacher Louis de la Personne aux autres membres de cette famille évoqués précédemment et nous conduit à une nouvelle piste : le village de Taillefontaine. Robert de la Personne avait épousé une Calois, famille bien documentée qui possédait pendant tout le XVIè siècle et le début du XVIIè siècle la seigneur de Déméville (aujourd’hui Eméville), village voisin de Taillefontaine. L’alliance Robert de la Personne – Anne de Calois est une affaire de famille : Anne est la fille d’Henri de Calois et de Marie … de Homblières.
Robert de la Personne, « sieur de Saint Mor, demeurant à Russy » n’était lui non plus pas parvenu à prouver sa noblesse à l’intendant Dorieux. Condamné à 50 livres d’amende, il n’avait pas eu le temps de faire appel, étant décédé peu après sa condamnation.
Les registres paroissiaux de Russy du XVIIè siècle et du début du XVIIIè siècle ne sont malheureusement pas conservés : impossible d’y recourir pour en savoir plus sur Robert de la Personne.
Charlotte de la Personne
La lecture du registre paroissial de Taillefontaine n’apportant aucune indication sur l’originaire de Robert de la Personne, revenons en à Charlotte de la Personne, citée à Ambleny comme nièce de Madeleine de la Personne. Un relevé systématique des registres paroissiaux de Béthisy-Saint-Pierre, de l’autre côté de la forêt de Compiègne, mentionne le mariage le 26 octobre 1637 d’une Charlotte de la Personne avec Antoine de Béthancourt. Pourrait-il s’agir de la même ?
Le nom de Béthancourt n’est pas étranger à l’entourage familier des de la Personne et de Homblières d’Ambleny : Nicolas de Homblières, fils de Philippe de Homblières et de Madeleine de la Personne avait épousé avant 1660 une certaine Louise de Béthancourt.
Le nom de Béthancourt est surtout lié à la seigneurie de Montigny-le-Sec, dont nous avons vu que Louis de la Personne en possédait une partie. Le 23 décembre 1657 Charles de Béthancourt et Nicolas de Homblières, époux de Louise de Béthancourt, font acte de foi et hommage pour leur fief de Montigny, autrefois appelé fief de Léglantiers. Nicolas de Homblières possède alors un tiers de la moitié du fief. En revanche, nous ne savons pas comment Louis de la Personne était rentré en possession d’une partie de la seigneurie de Montigny et Russy, peut-être par achat aux Béthancourt ou à Homblières.
Enfin, Charlotte de la Personne se marie à Béthisy-Saint-Pierre : c’est là que vivent Adriane de Homblières et son mari Jean Anthonis, seigneur du Hazoy. Et Adriane de Homblières apparaît dans le registre paroissial d’Ambleny : c’est la soeur de Philippe de Homblières marié à Madeleine de la Personne.
On considérera donc qu’il y a de très grandes chances que Charlotte de la Personne est de la famille qui nous occupe, celle des deux frères Louis et Robert de la Personne.
L’acte de mariage de la Personne – de Béthancourt rédigé sur le registre paroissial de Béthisy est succinct. En revanche, Françis Lavoisier a relevé dans le minutier des notaires de Béthisy le contrat de mariage de Charlotte de la Personne et Antoine de Béthancourt. Antoine de Béthancourt est fils de feu Guillaume de Béthancourt et Marie de Brion, et demeure à Néry. Charlotte de la Personne est fille de feu Claude de la Personne, vivant écuyer, de de damoiselle Judith Lagniel. Elle comparait assistée de Catherine de Nancel, femme de François Anthonis, seigneur du Hazoy, et de Angélique Anthonis, dame en partie du Hazoy. Le notaire précise que François et Angélique sont les cousins de Charlotte de la Personne.
On notera que la femme de Claude de la Personne n’avait pas pour prénom Marguerite et que ce n’est donc pas Claude de la Personne qui se cache derrière le « Mr de la Personne » dont la femme Marguerite est marraine à Ambleny en 1633. Il n’y a pas non plus d’éléments permettant d’affirmer que Louis et Robert de la Personne étaient fils de Claude de la Personne. Ils pourraient tout aussi bien être fils de ce « Mr de la Personne » marié à Marguerite. Ou d’un de ses frères dont nous n’aurions trace. Ace jour, il est impossible de conclure.
Il est aussi à noter que dans le minutier Warnier de Villers-Cotterêts apparait en 1637 une autre Charlotte de la Personne, fille et héritière d’un Claude de la Personne, « vivant écuyer » et d’Anne Lavoisier. On ne sait rien de plus sur eux. On ne sait rien non plus sur une Anne de la Personne, dont le mari François de Lignier, écuyer, capitaine de la forêt de Compiègne, avait vendu à Paul de Mausan, seigneur et vicomte de Morcourt, la seigneurie de Bellival, à Gilocourt, pour laquelle il fait acte de foi et hommage en septembre 1617.
Claude de la Personne, seigneur de Champlieu et Donneval
Le père de Charlotte de la Personne mariée à Antoine de Béthencourt, Claude de la Personne, est bien documenté. Seigneur de Champlieu et de Donneval, qui sont des hameaux du village d’Orrouy, voisin de Béthisy, il comparait dans plusieurs actes du minutier de Béthisy, et notamment lors du contrat de mariage de sa soeur, également nommée Claude. Le 11 avril 1605, Pasquet Lhuillier, sieur du « Bos du Bois en Vexin », demeurant à Délincourt, fait enregistrer son contrat de mariage avec « damoiselle Claude de la Personne, fille à marier des défunts Jehan de la Personne sieur de Saint-Germain-en-Brie et Anne de Donneval, demeurant à Champlieu en Valois ». Claude est assistée de son frère Claude, écuyer, seigneur de Champlieu et Donneval pour moitié, et de la femme de ce dernier, Judith Lagnel.
Claude de la Personne avait dû hériter le fief de Champlieu et Donneval de sa mère Anne de Donneval, d’une famille mal connue mais vraisemblablement établie de toute ancienneté dans la région, qui portait le nom d’un hameau d’Orrouy cité dès le XIVè siècle. On ne sait rien de l’ascendance d’Anne de Donneval. On se contentera de noter qu’en 1527 un Jean de Donneval était seigneur de Champlieu; il pourrait s’agir du père ou du grand-père d’Anne.
C’est par cette famille Donneval que François Anthonis et Angélique Anthonis était cousins avec Charlotte de la Personne. Enfants de Jean Anthonis et Adrienne … de Homblières, leurs grands-parents étaient Nicolas Anthonis et Hélène de Donneval, sans doute la soeur d’Anne de Donneval.
Claude de la Personne n’était seigneur qu’en partie de Champlieu et Donneval : il possédait en fait la moitié du fief, l’autre moitié appartenant à René de Brion, qui avait épousé Hélène de Donneval (qui, sil s’agit de la même que ci-dessus, aurait été veuve de Jean Anthonis). L’inscription sur la cloche de l’ancienne église de Champlieu en témoigne : « Marie suis nommée par René de Brion, seigneur de Nery en partie et de ce lieu et damoiselle Hélène de Donneval sa femme et damoiselle Anne de Donneval, dame par moitié de Champlieu – 1593 ».
Jean de la Personne, sieur de Saint-Germain-en-Brie et Anne de Donneval
Françis Lavoisier a également retrouvé dans le minutier des notaires de Verberie le contrat de mariage de Jean de la Personne et Anne de Donneval, daté du 6 mars 1571. Jean de la Personne comparaît assisté par son frère Charles de la Personne, chanoine en l’église Saint-Etienne de Meaux, d’où est originaire cette branche de la famille de la Personne : Adrien de la Personne, père de Jean, qui avait épousé une demoiselle Le Sauvaige, était lieutenant général civil et criminel au siège présidial du bailliage de Meaux. Le contrat de mariage permet également d’identifier Saint-Germain-en-Brie : Jean de la Personne reçoit de sa mère la moitié d’une maison située à « Saint-Germain-les-Coully ». Il s’agit du village actuel de Saint-Germain-sur-Morin, qui jouxte le village de Couilly.
Les de la Personne d’Ambleny, Taillefontaine et Orrouy étaient donc issus d’une famille de Meaux, dont nous ne savons presque rien L’ « Histoire de Meaux et du pays Meldois » d’Etienne-Louis Caron mentionne qu’Adrien de la Personne était prévôt de Meaux en 1546, et que 30 ans auparavant, en 1516, un certain Gilles de la Personne était procureur de l’évêque de Meaux. Certaines généalogies De La Personne mentionnent une branche établie à Meaux dès le XVIè siècle, qui descendait des vicomtes d’Acy par les femmes, mais qui avait gardé le nom de « De La Personne ». Les généalogistes spécialistes de la famille de la Personne pourront peut-être nous en dire plus…
Chers Messieurs (Mesdames),
J’ai lu avec passion votre article sur la famille de la Personne dans le Valois, qui a été rigoureusement bien amené et vous en félicite vivement.
Votre conclusion est très judicieuse et s’avère exacte puisqu’il existe un mémoire en forme de factum (se trouvant à la BNF et trouvé par M. Franck de la Personne, qui me l’a communiqué) pour Jean-Jacques de la Personne, Jean, Antoine et François Annibal ses neveux, contre le traitant de la Noblesse, prouvant leur noblesse à partir de 1550 (4 pages) qui permet de greffer cette branche à celle de Meaux, connue, notamment grâce à la pièce originale 2243 (cabinet des titres).
Je vous propose de laisser mon mail afin de vous communiquer les numérisations de ces pièces.
Vous félicitant une nouvelle fois pour ce travail de longue haleine,
Bien cordialement
Ferdinand Lapersonne
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Bravo et merci pour ce travail remarquable. J’ai réussi a etablir l’ensemble de la genealogie de la branche de Meaux ,mais celle ci me posait un soucis.Un factum trouvé a la BNF de Maitre de Sacy en faveur des requerants Antoine et Louis de La Personne (et françois-Hannibal) indique que leurs maintenues respectives de noblesse étaient parfaitement régulières (les dates et intendances sont données dans le document,je le tiens a votre disposition).Malheureusement ,avant le retour positif Louis et Robert étaient décédés. La suite des procedures n’est pas connue ,mais les maintenues antérieures étaient régulières. Louis xIv lui meme a du « arreter les frais » dans bien des cas sous peine de se retrouver sans armée! a suivre donc au gré des découvertes,bravo sincèrement pour cet excellent article
Franck de La Personne
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